Général Bruno DARY : La crèche au cœur de la Légion étrangère.
Posté le mardi 22
décembre 2015
Noël est la
fête légionnaire par excellence. Très vite après sa création en 1831, la Légion
étrangère adopta Noël. Elle le fit avec d’autant plus de facilité qu’elle était
composée essentiellement d’hommes venus de toute l’Europe et pour qui, même
lorsqu’on était un « paria », Noël constituait une fête
traditionnelle, à défaut d’être religieuse.
Voici
comment, à Fez, le 2e étranger fêtait Noël en 1912 : « La
veillée de Noël se passait autour d’une crèche vivante, comme c’était alors la
tradition. Les draps, les chèches, les ceintures bleues constituaient
l’essentiel des déguisements de la sainte Famille et des bergers ; une poupée
représentait l’enfant Jésus et parfois un bourricot ajoutait au réalisme du
tableau. À minuit, les officiers venaient dans les chambres et la veillée
commençait alors autour de la crèche avec ses chants, ses chœurs allemands,
russes, espagnols. » Depuis lors, le déroulement de la fête a peu
évolué.
Au cours de la Grande Guerre, une dimension supplémentaire fut ajoutée avec la
réalisation de spectacles, de jeux ou de sketches. Peu à peu, les crèches
vivantes laissèrent la place à des crèches confectionnées par les légionnaires.
Après la guerre d’Algérie apparaîtra le concours de crèches avec attribution de
prix par un jury.
La fête de
l’enfance, la fête de la famille et celle de l’espérance
Si la Légion
s’est appropriée Noël, si cette fête s’est inscrite rapidement et naturellement
dans ses traditions, c’est parce que l’on retrouve des fondements religieux,
historiques ou culturels, communs à la fois à Noël et à la Légion
étrangère : la nativité n’est-elle pas en effet la fête de l’enfance, la fête
de la famille et celle de l’espérance ?
Pour la
tradition chrétienne, Noël marque la venue au monde d’un enfant, promis et
attendu pour sauver les hommes et en qui les chrétiens voient Dieu incarné. Le
nouveau-né, comme l’enfant, est donc naturellement placé au cœur de cette fête.
Au sein de la Légion : même principe. Les légionnaires sont au cœur de la
fête, surtout les plus jeunes et les nouveaux arrivants. Ce sont eux qui
reçoivent les cadeaux, ce sont eux qui conçoivent et réalisent la crèche, ce
sont eux, encore, qui montent les sketches. C’est pour eux que les cadres
restent toute la nuit, si bien que durant ces festivités, il n’y a plus ni
cadres, ni légionnaires, mais seulement des compagnons d’armes.
Le monde
entier a retenu de Noël l’image de la sainte Famille. Noël, dans la tradition
chrétienne, est devenu ainsi la fête de la famille. Cette fête de la famille a
largement dépassé la chrétienté, puisque toute famille, de par le monde, a le
souci de se réunir à cette occasion. La Légion se présentant comme un refuge et
une famille d’accueil pour tous ses hommes venus du monde entier, il paraissait
naturel qu’elle intégrât cette fête à son patrimoine. Le légionnaire a fui ou
quitté un métier, une patrie, des amis, une fiancée, et seule la chaleur d’une
famille peut remplacer un tel vide dans le cœur et l’esprit d’un homme, surtout
la nuit de Noël.
Enfin, cet enfant, né d’une vierge, était annoncé et attendu comme le sauveur
du peuple d’Israël ; il devait apporter le salut aux hommes de bonne
volonté, il était donc un signe d’espérance. Là encore, ce symbole d’espérance
a trouvé naturellement sa place au sein de la communauté légionnaire, car la
plupart des candidats arrivent en situation d’échec professionnel, affectif ou
psychologique ; ils viennent chercher, consciemment ou non, quelque chose
d’autre, qu’ils ont souvent du mal à exprimer. La Légion, où ils s’engagent
généreusement, incarne à leurs yeux une nouvelle chance, un rayon d’espoir,
voire une espérance.
Noël dans le
cœur des hommes de bonne volonté. Noël, au cœur de la Légion étrangère.
Général Bruno DARY
Ancien
commandant de la Légion étrangère
Ancien Gouverneur militaire de Paris
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